Jeune, la science des opinions n’en est cependant plus à ses premiers pas. Aussi, pouvons-nous, dès à présent, donner un bref aperçu du terrain qu’elle a défriché et des étonnantes perspectives qu’elle ouvre aux hommes d’action ainsi qu’aux sociologues, psychologues et même aux philosophes.
Dans le domaine des opinions, deux objets sollicitent le chercheur. D’abord, la matière des opinions. Il faut répondre à de telles questions: que pense un individu déterminé du vote des femmes, de la prohibition, etc?; quel est l’avis, sur ces problèmes, de tel groupe social à tel moment? Ensuite, la forme des opinions: comment le sujet opine-t-il? en quelle mesure est-il partisan de l’idée qu’il émet? quelle est la consistance de son opinion? (c’est-à-dire n’admet-il pas en même temps des positions opposées?); quelle est la persistance de son opinion? (c’est-à-dire change-t-il souvent d’avis sur la même question?) où se place son opinion parmi celles des autres membres de sa communauté? (au centre? à l’extrémité droite? à l’extrémité gauche? dans la majorité ou la minorité?); quel est son tempérament d’opinion: est-il atypique ou typique? (c’est-à-dire habituellement en opposition déclarée avec le sentiment de son milieu ou au contraire habituellement d’accord avec ce sentiment?), radical ou conservateur? reconnaît-il d’habitude comme valeur suprême la beauté, l’utilité, la vérité, etc? Cette enumeration de questions n’est qu’exemplative.