Nous avons, à différentes reprises, signalé la corrélation existant entre le développement de nouvelles réformes sociales et l’amélioration de la situation économique. Ce dernier phénomène n’a certes pas été constaté dans le courant de l’année 1938; notre économie a subi une régression incontestable; cependant, certaines réformes sociales nouvelles, dont certaines ne sont pas sans importance, ont vu le jour.

D’une manière générale, toutefois, le Gouvernement a désiré s’en tenir exclusivement à deux points importants signalés dans sa déclaration ministérielle : la révision de la loi sur les congés payés et l’organisation légale de l’assurance contre le chômage involontaire.

L’année 1938 a été particulièrement agitée dans le domaine des finances publiques. Elle s’ouvrait sous des auspices inquiétants. La régression économique en cours avait une influence sur les recettes, qu’elle faisait fléchir, et aussi sur les dépenses, qu’elle accroissait par suite de l’incidence du chômage. Il apparut en outre bientôt que l’estimation budgétaire sur laquelle était basé le budget de 1938 était de beaucoup trop optimiste. On avait négligé d’inscrire certaines dépenses cependant inévitables, et l’on avait surévalué des recettes, en escomptant non seulement le maintien de la conjoncture, mais même la progression de celle-ci. C’était là chose imprudente, car le revirement économique était déjà visible au milieu de 1937. Peut-être eût-il été excessif d’escompter dès alors le fléchissement des recettes, mais à tout le moins était-il imprudent de tabler sur l’accroissement de celles-ci.

Les difficultés budgétaires furent aggravées parce que de nombreuses dépenses sont liées à l’allure des prix de détail. On sait que dans notre pays les traitements, salaires et pensions suivent rigoureusement l’index. Or, il est classique que le mouvement des prix de détail et du coût de la vie soit toujours en retard sur celui de la conjoncture. Ceci est du reste plus vrai au cours de la période de baisse, celle-ci étant freinée par des influences variées.

De nombreux facteurs font varier le résultat financier de l’exploitation agricole d’année en année; parmi ces facteurs, le climat et les prix jouent un rôle prépondérant. De là, dans le rendement brut et dans les frais d’exploitation, des variations parfois plus importantes que dans une exploitation industrielle. Ces variations font augmenter ou diminuer fortement le rendement net de l’exploitation. On obtient ce rendement en faisant la différence entre le rendement brut et les frais d’exploitation.

De là aussi les grands écarts dans le bénéfice de l’exploitation agricole. Celui-ci correspond au rendement net dont on a déduit les loyers et charges d’intérêts des capitaux en propriété.

L’industrie textile belge a ressenti avec une particulière gravité les effets du ralentissement de l’activité économique survenu au courant de l’année 1937, et qui a continué en 1938. C’est ce que démontre notamment l’analyse des indices trimestriels des prix de gros calculés par l’Institut.

Elle permet en effet de constater que le recul des prix s’est produit aussitôt après le mois d’avril 1937, simultanément pour les trois stades de la fabrication : matières premières, demi-produits (fils) et produits finis (tissus et cordages). De ces trois indices, c’est celui des demi-produits qui a baissé le plus; et les produits finis ont baissé presque autant que les matières premières. Cette évolution anormale provient certainement du fait que l’industrie textile belge ne se trouve pas seulement en présence d’une crise due à la conjoncture générale des affaires, mais qu’elle se trouve également en face d’une crise de structure, qu’on ne peut malheureusement qualifier de crise de croissance.

Dans une étude publiée par le Bulletin en août dernier, et qui constituait l’aboutissement d’une série d’études antérieures, nous avons montré que la solution véritable — et unique — du problème charbonnier belge consiste dans la restitution à nos mines de leur marché intérieur. Restitution intégrale; progressive, mais qui devra être rapide, disions-nous, en raison de « l’implacable déroulement de la crise cyclique où nous semblons être maintenant engagés ».

De timides progrès ont été effectués en 1938 dans la voie de cette restitution. Nous allons les examiner brièvement dans les pages qui vont suivre; nous passerons en même temps en revue les manifestations les plus marquantes de la crise cyclique dans notre industrie charbonnière pendant l’année qui vient de s’écouler.

Ainsi qu’on pouvait déjà le prévoir il y a un an, l’activité de l’industrie sidérurgique a été, en moyenne, moins intense en 1938 que pendant les douze mois précédents. Dès janvier, la production de la plupart des pays a été moins forte que la moyenne mensuelle de 1937 et la réduction de la production au cours des mois suivants est une des plus rapides que l’on ait jamais observée. Beaucoup d’acheteurs s’étaient presque complètement retirés du marché en sorte que, quelques faibles que nous paraissent les tonnages produits à la fin de l’hiver, ils dépassaient encore le volume des commandes inscrites par les usines pendant cette époque. L’activité s’améliora quelque peu en été et l’on assiste à une progression continue qui se poursuivait encore en décembre.

Les chiffres globaux montrent que la production mondiale d’acier, tout en diminuant en un an d’environ 20 %, reste encore très voisine de son total de 1928. En ce qui concerne la fonte, la réduction est un peu plus forte, de l’ordre de 22 %. Nous croyons que cet écart peut s’expliquer par le fait, déjà signalé l’année dernière, qu’il y eut une véritable disette de mitrailles en 1937; elles étaient relativement plus abondantes l’année dernière. L’écart entre la réduction des tonnages de fonte et d’aciers produits aurait probablement été plus fort, si la politique économique du Gouvernement allemand n’avait obligé les sidérurgistes d’outre-Rhin à diminuer le pourcentage de mitrailles chargées dans leurs fours Martin.

Dans l’ensemble, l’année 1938 a été, pour l’économie mondiale, une année de dépression, de troubles et de difficultés. Dès le printemps de l’année 1937, une demande spéculative exagérée et certaines frictions dans le processus de développement économique avaient amené une tension très nette de la conjoncture. Aussi les prix des grands produits internationaux baissèrent-ils, d’abord lentement, pour accentuer leur recul en fin d’année. La réduction de l’activité industrielle fut rapide et importante. Aux États-Unis, l’indice de la production industrielle tomba de 118 en août 1937, à 79 en décembre de la même année et à 73 en avril 1938. En Angleterre, le recul, un peu plus tardif, ne fut pas moins marqué. Parallèlement, les cotations des actions s’effondrèrent dans les principales bourses. Par suite de la prudence dont l’économie en général avait fait preuve durant le redressement précédent, les difficultés apparurent cependant infiniment moins graves qu’en 1929 et le renversement de la conjoncture ne fut guère marqué par des événements sensationnels. Au point de vue financier notamment, les tensions ne furent généralement que peu prononcées. En fait, le recul, s’il fut particulièrement rapide, fut relativement localisé à certaines industries de base. Dès le premier semestre de 1938, les niveaux minima d’activité étaient pratiquement atteints et, à l’automne, le redressement de la conjoncture apparaissait assez net. Aux États-Unis, notamment, l’indice de la production industrielle était remonté à 90 en décembre 1938. En Angleterre, la lourdeur fut plus persistante, mais elle faisait cependant place, en fin d’année, à une assez sensible amélioration.

Dans le domaine des transports, une expansion et une contraction de l’activité furent ressenties au cours des deux dernières années. 1937 connut un trafic comparable aux meilleures années, du moins en ce qui concerne les transports intérieurs. 1938 fut caractérisé par un recul général des affaires, dont les transports eurent à souffrir, par une grave tension dans la politique internationale et une mobilisation passagère. Ces difficultés ne firent que mettre davantage l’accent sur les changements structurels, qui sont dans une phase aiguë aux chemins de fer.

En l’absence d’une coordination, vivement désirée, des renseignements statistiques coloniaux (1), force nous est de procéder par voie éclectique et de nous en tenir à ce qui fut l’essentiel de l’activité économique du Congo en 1938.

Les derniers mois n’ont pas apporté de changements profonds, ou même caractéristiques, dans la conjoncture économique mondiale. Les espoirs d’un revirement franc, entretenus dans certains milieux à l’approche de saisons déterminées, se sont évanouis — comme ils devaient s’évanouir, car le processus de la reprise connaît surtout des revirements successifs et d’une netteté très discutable au début. Cette désillusion, jointe aux craintes de complications internationales plus susceptibles de surgir au printemps qu’au cours de l’hiver, a réagi défavorablement sur l’esprit d’entreprise et tend à encourager des départs de capitaux européens vers les pays d’outremer : bref, la diminution de la demande industrielle de capitaux provoque certes une liquidité du marché à court terme, mais elle ne crée pas corrélativement une offre de capitaux à long terme. L’un des moteurs d’une reprise économique, sur le plan habituel de l’initiative privée, se trouve donc affaibli en Europe et renforcé outremer.

Dans cette ambiance internationale, on ne pouvait s’attendre à ce que la conjoncture belge prenne une direction nouvelle bien déterminée. Il apparaît, dès lors, plus important de faire en ce moment le point, d’estimer raisonnablement, sans optimisme de commande et sans pessimisme de lassitude, la situation actuelle du pays que de s’appesantir sur les détails des derniers mouvements recensés. C’est à faire cet examen aussi objectif que possible que nous consacrerons le plus clair de cette première chronique de l’année 1939.

Jusqu’à présent, le Bulletin reproduisait sous ce titre les communiqués qui lui étaient transmis par les Instituts de conjoncture étrangers. Ces communiqués donnent la description des principaux changements intervenus en matière économique durant les derniers mois, mais ils ne permettent guère de procéder à des comparaisons avec l’évolution de périodes antérieures, ni de situer avec facilité les mouvements les plus récents dans le courant général de la conjoncture. D’autre part, la chronique restait forcément limitée aux pays dont les Instituts de conjoncture entretiennent avec le nôtre une collaboration active.

Ces considérations ont amené la transformation actuelle de notre rubrique. D’une part le champs d’observation sera étendu par l’inclusion d’un nombre plus considérable de pays ainsi que de certains éléments en rapport direct avec la conjoncture mondiale, et d’autre part, la présentation sera désormais faite sous forme graphique. Les courbes seront choisies de façon à donner pour chaque pays une image de l’évolution de ses éléments les plus caractéristiques. Elles remonteront quelques années en arrière, soit pratiquement jusqu’en 1933, afin de permettre de dégager l’importance relative des mouvements des derniers mois écoulés.