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La Loi Gayssot et la Constitution
Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
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Le 13 juillet 1990, était promulguée une loi, connue sous le nom de son principal initiateur, le député Gayssot. Ce texte insère dans la grande loi de 1881 sur la presse un article 24 bis qui prévoit contre ceux qui auront contesté l'existence des crimes contre l'humanité commis par les nazis pendant la seconde guerre mondiale des peines identiques à celles qui punissent la provocation à la haine ou à la discrimination raciale. Elle est ainsi dirigée contre ceux qui se désignent eux-mêmes comme « révisionnistes », parce qu'ils prétendent réviser l'histoire contemporaine, autrement dit soumettre à un examen critique les témoignages et les documents invoqués par tous ceux, qu'ils soient ou non historiens, qui relatent ces crimes. Cependant, leur démarche est directement conduite par la conclusion à laquelle ils souhaitent aboutir, que ces crimes n'ont pas été commis ou qu'ils n'ont pas eu l'ampleur que Ton croit, et ils sont done aussi appelés plus justement « négationistes ».
Summary
The Gayssot Act, passed by the French Parliament in 1990, makes it a crime to deny the existence of the crimes committed by the nazis during the Second World War. This law has been criticized not only by revisionists, but also by liberals. It has been argued that it is contrary to the principle of freedom of expression, that serious historians can easily destroy the revisionist's thesis, that a democracy should not establish official truths. The paper discusses these arguments: freedom of expression is not and can never be absolute, but must be weighed against other principles and rights, depending on the values which are the basis of this freedom in a specific field; the principles only protect the expression of an opinion, but not an action capable of causing by itself serious damages; finally, there is in every legal system a system of official truths, called presumptions, which serve to prevent variations in the interpretation of the facts by the courts. What the Gayssot Act does, is precisely to establish such a presumption, so that courts will not be forced to decide between professional historians on a historical truth
- Type
- Droit et Négationisme
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999
References
1. La loi de 1990 ajoutait à la loi de 1881 un article 24 bis : « Seront punis des mêmes peines [que celles prévues à 1'article 24 relatif à la provocation à la haine raciale] ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou de plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont definis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclaréé criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ».
2. Plusieurs propositions de lois ont été déposées à l'Assemblée nationale en 1995. Certaines visent la négation de tous les génocides (Propositions de loi n° 2039, présentée par M. Rochebloine), d'autres de tous les crimes contre l'humanité (Proposition de loi n” 1872. présentée par M. Patrick Devedjian) et parmi elles certaines mentionnent « notamment la négotiation du génocide arménien » (Assemblée nationale, Propositions de loi n° 1932, preséntée par MM. Mercieca et autres et n° 2028, présentée par MM. Migaud et autres).
3. Cité par Rials, Stéphane, dans La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette, 1988.Google Scholar
4. Blackstone, Commentaries on the Law of England, 1769, pp. 151-152.
5. Hugo Black se fondait sur les termes mêmes du premier amendement pour soutenir qu'aucune loi ne pouvait limiter cette liberté de quelque maniére que ce soit. H. Black écrivait ainsi que cette phrase était « composée de mots simples, faciles à comprendre. Ce langage est absolu […] » ( Black, H., « The Bill of Rights », Law Review, New York University, 1960, p. 865 s.Google Scholar).
6. Loi fondamentale allemande, article 5 : (1) Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l'écrit et par l'image, et de s'informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous. la liberté de la presse et la liberté d'informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. II n'y a pas de censure. (2) Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois générales, dans les dispositions légales sur la protection de la jeunesse et dans le droit au respect de l'honneur personnel. Convention européenne des droits de 1'homme, article 10 : « Toute personne à droit a la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontiere. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision a un régime d'autorisation. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut etre soumis a certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, a l'intégrité territoriale ou a la sûreté publique, à la défense de l'ordre et a la prévention du crime, a la protection de la sante ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et i'impartialité du pouvoir judiciaire ».
7. L'article 23 de la Loi 29.7.1881 (loi 1972) dispose que « seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit, ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblemés, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image […] auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet. Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal».
8. L'article 24 de la loi de 1881 (ajouté en 1972) punit « la provocation à la haine ou à la discrimination ou à la violence à l'egard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées ».
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11. Dans « Law on Libel and Liberty of the Press », Westminster Review (1818), cité par G. Marshall, « Press Freedom and Free Speech Theory », Public Law, 1992, p. 40 ss.
12. Cette thèse a été défendue aux Etats-Unis par le juge Brandeis et par Alexander Meiklejohn (cf. S. J. Heyman, Hate Speech…, op. cit).
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16. La formulation de l'article 11 est d'ailleurs tautologique : comme la liberté d'expression est un droit précieux, chacun doit pouvoir communiquer librement
17. « Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans quiconque, volontairement, publie une déclaration, une histoire ou une nouvelle qu'il sait fausse et qui cause, ou est de nature à causer, une atteinte ou du tort à quelque intérêt public ».
18. Ass. nat. J. O. Débats, 28.6.90
19. Decision DC du 15 Janvier 1975, Rec. p. 19 : « La constitution ne confere pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de decision identique à celui du Parlement »
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- Cited by