Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La première révolution industrielle en Grande-Bretagne a vu une transformation substantielle de l'agriculture et de la société rurale, particulièrement dans l'Angleterre du Sud-Est, soit la zone située au sud d'une ligne qu'on pourrait tracer, approximativement, depuis le Wash, sur la mer du Nord, jusqu'à Portland, sur la Manche . Le présent article se propose de traiter, dans cette crise essentielle, des mouvements sociaux des travailleurs ruraux de 1790 environ jusqu'au milieu du xixe siècle. Durant ces années-là, le mécontentement prit une forme endémique et l'on peut facilement en expliquer l'extension par les conditions de vie des ouvriers agricoles, conditions particulièrement difficiles et qui allaient chaque jour en empirant.
En accord avec l'auteur, les Annales publient ici la version française de cette étude, dont Studi storici a donné la version italienne.
page note 2. On peut indiquer comme la meilleure analyse, par les contemporains, de l'agriculture anglaise : James Caird, English Agriculture in 1850-1851 (1852). Le meilleur guide moderne est J . D. Chambers et G. E. Mingay, The agricuttural Révolution 1150- 1880 (1966), qui se réfère à la littérature spécialisée récente. la bibliographie la plus complète est celle de O. R. Mcgregor, dans Lord Ehnue, English Farming, Past and Présent (éd. 1961). Voir également l’Agrkuttural History Review. L'ouvrage de Ernle, longtemps regardé comme un modèle, n'est plus au point.
page note 3. Cf. J. H. Clapham, An économie history of modem Britain, I, p. 131, comme le meilleur exemple des arguments fournis par le fondateur de l'école « optimiste » moderne.
page note 4. A. J. Peacock, Bread or Blood (1965) décrit le mouvement de 1816 ; J. L. et B. Hammond, The Village labourer (1911) contient le premier et jusqu'à présent le seul exposé d'ensemble du « dernier soulèvement des laboureurs » de 1830, mais il existe certains travaux non publiés sur ce mouvement, dans tel ou tel comté étudié séparément. Le professeur G. Rude et l'auteur du présent article préparent une étude de ce mouvement.
page 10 note 1. Ont été touchés par la révolte de façon aiguë et dans leur ensemble les comtés suivants : Kent, Sussex, Hampshire, Berkshire, Wiltshire, Norfolk, Suffolk, Cambridgeshire, Huntingdonshire. Ont été touchés partiellement, ou moins fortement : Surrey, Middlesex, Buckinghamshire, Essex, Bedfordshire, Lincolnshire, Dorset, Somerset, Gloucestershire, Oxfordshire. On ne peut dire dans quelle mesure les incidents isolés qui ont eu lieu dans d'autres comtés sont ou non à considérer comme faisant partie du soulèvement de 1830.
page 11 note 1. Une des rares analyses de ce problème dans J. D. Marshall, The Lancashire rural labourer in the early 19th century (Transactions of the Lancashire and Cheshire Antiquarian Society, vol. 71, 1961).
page 11 note 2. Clafham, op. cit., II, p. 253. On n'a procédé à aucun examen de la propriété à l'échelle nationale jusqu'en 1871-1878.
page 11 note 3. J. Glyde, Suffolk in the 19th century (1856), p . 336.
page 11 note 4. Hundred : subdivision d'un comté.
page 11 note 5. Calculé d'après le recensement de 1831.
page 12 note 1. Cf. Couman, Henry, European agricultural and rural economy from personal observation (Boston-London, 1846).Google Scholar
page 12 note 2. Sur les enclosures, l'exposé le plus utile est encore celui de E. C. K. Gonnee, Common Land and Inclosure (2« éd. 1965), avec de bonnes cartes. Voir aussi W. H. Chaloner, « Bibliography of récent work on Enclosure, the open fields and related topics », in Agric. Hist. Rev., II, 1954, et un résumé récent dans Chambeks et Mingay, op. cit. Voir aussi W. E. Tate, The English Village Community (1967).
page 12 note 3. Cf. Kerr, Barbara, The Dorsetshire Agricultural Labourer (Proceedings of the Dorset Archaeological Society, vol. 84, 1963).Google Scholar
page 13 note 1. Cf. W. Hasbach, A History of the english agricultural labourer (1908), pp. 406, 411.
page 13 note 2. Cf. T. Batchelor, General wiew of the agriculture of Bedfordshire (1815), p. 585. Dans les exemples de ce genre, le snobisme tend en fait à diminuer la productivité du travail.
page 13 note 3. Dans l'agriculture traditionnelle, où l'on connaissait généralement la capacité de travail habituelle de l'homme moyen, la méthode de paiement n'était pas matérialisée. « Pour évaluer un travail à la tâche, on se réfère toujours à la valeur de la journée de travail », écrivait J. Boys (Gen. View of the Agriculture of Kent, 1796, p. 161). Il semble probable que ceci cessa d'être vrai quand les méthodes agricoles se mirent à changer rapidement.
page 14 note 1. N. Gash, « Rural unemployment, 1815-1834 », in Econ. Hist. Rev., 1™ série, 1985, Pour se faire une idée de l'importance de cet excédent, cf. Sel. Ctee on Emigration. Part. Papers IV, 1826 ; Lprds Ctee. on Poor Laws, Part. Papers, VIII, 1831 ; Sel. Ctee. on Poor Laws, Pari. Papers, IV, 1828.
page 14 note 2. « la difficulté de trouver un emploi constant pour une large équipe d'ouvriers agricoles, tout au long de l'année, existe surtout dans les districts céréaliers pendant les mois d'hiver, après les labours de l'automne et les semences », Wilson Fox, Wages and earnings of agric. labourera (Cd 346 HMSO, 1900, p. 10).
page 14 note 3. Sur ce point, la meilleure introduction est de loin l'ouvrage brillant, mais négligé, de K. Polanyi, The origins of our Urne (1945). Pour une tentative de défense du système de Speenhamland en termes d'économie moderne, voir M. Biaug, The Myth of the old Poor Law », in : Journal of Econ. History, vol. 23,1963.
page 15 note 1. S. C. on Emigration, loc. cit., p. 136 et sq. ; B. C. on Poor Laws, Parl. Papers, Xxviii, 1834, p. 372.
page 15 note 2. A. J. Peacock, op. cit., p. 72 ; C. Mackie, Norfolk Annals (1901) p. 218, où le procès de Jonathan Wrench vs. the men inhabiting the Hundred ofHolt est décrit comme « entièrement nouveau ».
page 15 note 3. Peacock, op. cit., pp. 70-72 ; Mackie, op. cit., p. 138. |C'est en 1817 qu'une grande Compagnie d'assurances commence à se préoccuper des incendies volontaires (A. Noakes, The County Fire Office 1807-1957, s. d., p. 45).
page 17 note 1. Les fermiers de certaines paroisses et d'un hundred (Hoxne) renoncèrent à l'usage des machines à battre ; et Sir H. Bunbury Bart envoya à ses fermiers une circulaire leur recommandant de ne plus s'en servir (The Times, 8 avril ; 6 septembre 1822).
page 17 note 2. Sur ces deux points, bonne documentation pour diverses zones du Sud-Est anglais, particulièrement dans les précieuses Rural Queries que fit circuler en 1834 la Poor Law Commission, où l'on enquêtait sur les origines des soulèvements de 1830.
page 17 note 3. Les très mauvaises années de 1812-1817 furent suivies par cinq années moins dures, mais il est assez significatif que le soulèvement de 1822 ait été précédé par une récession temporaire.
page 18 note 1. Cependant, les cas où les ouvriers agricoles s'assemblèrent ou se soulevèrent en arborant des drapeaux tricolores (comme ils le firent parfois, spécialement dans le Kent et l'East Sussex) sont tout à fait exceptionnels.
page 18 note 2. Le degré supérieur d'instruction dans cette profession est attesté par le fait que, dans le Hampshire entre autres, un cordonnier était souvent en même temps le secrétaire de la paroisse.
page 19 note 1. Peut-être ne faudrait-il pas diie du bref mouvement dans le Huntingdonshire qu'il se « propagea » à partir du Norfolk. Il n'y eut aucun contact direct.
page 20 note 1. Ces chiffres, qui sont considérablement plus élevés que ceux qu'on acceptait jusqu'ici, sont fondés sur les recherches menées par le professeur G. Rude, à la fois dans les archives australiennes et britanniques.
page 20 note 2. Ce sentiment était si bien connu que les compagnies d'assurances refusaient d'assurer les possessions d'un fermier si la police ne contenait pas la clause suivante : « Il est certifié _que ladite ferme ne possède ou n'utilise en location aucune machine à battre. » Voir par exemple les registres d'assurances de la Sun Insurance Company pour l'année 1830, Guildhall Library MS 11, 937/186, passim.
page 21 note 1. C'est là une vérité qui semble aller de soi dans les rapports de presse relatant ces méfaits d'incendiaires.
page 21 note 2. Assez curieusement, le premier mouvement syndicaliste « officiel » parmi les ouvriers agricoles, vers 1870, se préoccupera beaucoup plus de demander des parcelles de terres pour les travailleurs que ne l'avait fait la rébellion spontanée et de type archaïque de 1830. Ceci tenait en partie à l'influence de l'idéologie radicale urbaine, qui paradoxalement a toujours été beaucoup plus préoccupée par le « retour à la terre » que les ouvriers de ferme, et en partie au fait que, à cette époque, plusieurs plans pour mettre les ouvriers ruraux en possession de leur lopin de terre avaient déjà été élaborés, la plupart du temps d'ailleurs sans qu'il s'en suive aucun effet. Le premier de ces plans date de 1833 et répondait au soulèvement de 1830.
page 23 note 1. Les taxes ne pouvaient naturellement pas être abaissées par des mouvements locaux et dans un village où un radical suggérait de confisquer leur produit au collecteur d'impôts local, les villageois refusèrent, en disant que « c'était l'argent du Roi et que ce ne serait pas convenable ».
page 23 note 2. Alors que les petits fermiers ou les petits propriétaires ont pu débourser plus qu'on ne leur rendait, les gros fermiers étaient, en somme, subventionnés puisqu'ils pouvaient employer une main-d'oeuvre misérable dont le revenu était augmenté par les cotisations payées par d'autres possédants.
page 24 note 1. Ainsi, dans certaines zones du Sussex, les manifestations de masse comprenaient des groupes de contrebandiers, armés parfois de fusils, c'est-à-dire des hommes habitués à des conflits sanglants avec les forces de l'autorité. Dans d'autres régions, les bandes organisées de braconniers, également habitués à tuer et à être tués, jouèrent le même rôle pacifique.
page 24 note 2. Il y a quelques exemples de chefs locaux — principalement, semble-t-il, des hommes qui avaient derrière eux une expérience non-villageoise, anciens soldats, marins ou policiers de Londres — chez qui se reconnaît l'influence d'idéologies révolutionnaires (dans le Kent et le Sussex). Leurs opinions n'eurent aucune prise sur les masses qui les suivirent.
page 25 note 1. Ashby, M. K., The life of Joseph Ashby of Tysoe, Cambridge, 1961 Google Scholar, un classique de l'histoire sociale du xixe siècle, présente cette dégradation de façon très vivante du point de vue d'une famille de laboureurs.
page 25 note 2. Le hundred, unité d'une dimension assez variable, est peut-être la subdivision du comté la plus commode pour mesurer la répartition géographique des soulèvements.
page 25 note 3. Les remarques qui suivent sont fondées sur l'analyse détaillée d'un échantillon de 200 communes rurales des comtés de Norfolk, Suffolk, Hampshire et Wiltshire.
page 27 note 1. Ainsi, dans le Kent, le village de Elham fut le premier centre des campagnes systématiques de destruction de machines. Or c'est aussi un des deux seuls villages de l'intérieur du Kent qui, avant 1830, avaient été « colonisés » par la secte des Bible Christians, laquelle devait plus tard être étroitement associée au syndicalisme agricole. De même, dans le Norfolk, le groupe de Méthodistes Primitifs de North Walsham était en 1830 le plus large et le plus dynamique. C'est dans cette zone que l'agitation débuta dans ce comté.
page 27 note 2. Parce que certains troubles furent l'oeuvre non d'hommes du crû, mais de bandes itinérantes venant d'autres villages militants, et qu'à l'inverse, certains villages militants restèrent calmes, les fermiers locaux leur ayant concédé sans lutte ce qu'ils réclamaient, et assez tôt pour empêcher une agitation ouverte.
page 27 note 3. On en trouve la preuve surtout dans les enquêtes parlementaires sur l'agriculture et la poor law, entre 1833 et 1836.
page 27 note 4. C'est ce que suggèrent, sans le prouver absolument, le tableau de l'agriculture dans divers comtés fait par les soins de la Royal Agricultural Society à partir de 1840, et diverses enquêtes parlementaires.
page 28 note 1. Cf. E. L. Jones, « The agricultural labour market in England, 1793-1872 », in Econ. Hist. Rev., XVII, 1964-1965.
page 28 note 2. Les statistiques criminelles fournissent quelques données relatives aux incendies en ces années. Cela se solda par une loi nouvelles (An Act to amend the Law as to burning farm buildings, 1844), et par une forte augmentation du taux d'assurances portant sur le stock des fermes.
page 28 note 3. J. Clyde, op. cit., p. 144.
page 29 note 1. M. K. Ashby, op. cit., donne des éclaircissements sur cette phase du mouvement. L'analyse des listes de prisonniers jugés comme incendiaires dans le Norfolk et le Suffolk en 1843-1844 (House of Lords Papers, 258, 1844) montre que 42 % des inculpés n'avaient pas plus de dix-huit ans (y compris 17,5 % âgés de moins de quinze ans), 37,5 % avaient entre dix-neuf et trente ans, 10 % entre trente et quarante et 10 % plus de quarante ans. Sur quarante prisonniers du Suffolk, huit seulement étaient vraiment instruits, dix-sept étaient totalement illettrés.
page 29 note 2. Ceci est attesté par une bonne documentation en ce qui concerne les Méthodistes primitifs particulièrement nombreux dans les comtés de l'Est, car de bonnes statistiques et d'admirables journaux des tournées d'évangélisation ont été publiés dans le Primitive Methodist Magazine. Ainsi, dans un secteur particulièrement agité du Norfolk, un « revival » spontané a suivi, de quelques semaines seulement, l'échec du soulèvement.
page 30 note Note : L'étude que nous faisons ici du soulèvement de 1830 est fondée sur la volumineuse documentation du Public Record Office et de quelques County Record Offices, sur la presse et trois thèses encore inédites : Gash, N., The rural unrestHn England with spécial référence to Berkshire, Oxford, 1934 Google Scholar ; Colson, A., The revott\of the Hampshire agricuttural labourers, London, 1937 Google Scholar et Dutt, M., The agricuttural labourers, rising in Kent, Surrey and Sussex, London, 1966 Google Scholar. Pour des références plus complètes, voir le livre en préparation de G. Rude et E. J. Hobsbawm, Captain Swing. The agricuttural labourers, rising of 1830