Le thème de la féodalité a fait irruption dans l'historiographie du Mezzogiorno pendant les années 1950-1960, dans le cadre d'une intense confrontation historiographique européenne ; les principaux enjeux en furent définis par deux grands ensembles problématiques, et par les questions qu'ils posaient aux historiens : pour le XVIIIe siècle, d'une part, par les recherches françaises sur l'abolition de la féodalité et les origines de l'individualisme agraire ; pour la période antérieure, d'autre part, par les travaux de l'école anglo-saxonne (E. J. Hobsbawm, J. H. Elliott…) sur la « crise du XVIIe siècle », et par les études sur l'évolution de l'État moderne (F. Chabod, J. Vincens Vives…). Je voudrais avant tout souligner le caractère novateur de ce tournant historiographique, pour lequel, et pour la première fois dans l'historiographie italienne, le paradigme crocien ne jouait plus un rôle explicitement central.

Cette étude se propose de remettre en question les idées couramment exprimées à propos de la nature de l'identité urbaine dans l'Angleterre moderne et surtout du rapport entre cette identité et l'identification des classes moyennes (middling sort). L'historiographie a souvent associé les deux concepts, ce qui n'a conduit qu'à négliger systématiquement le sujet. Une étude de l'historiographie permettra de proposer une critique de ces hypothèses enchevêtrées et constituera ce qui ne peut être, par la force des choses, que l'esquisse d'une perspective alternative.

L'on n'est pas seulement bourgeois d'une ville. Ce statut privilégié s'acquiert par l'insertion dans des lieux particuliers où s'exercent les devoirs, contreparties des droits dont on jouit. C'est le jeu social à l'intérieur des micro-localités qui construit la logique générale de l'appartenance : l'intégration se paie ainsi avec une menue monnaie locale. La logique des corps territoriaux n'est sans doute pas différente de celle des corps de métier : elle se crée au travers de conflits de faible intensité qui manifestent une culture hiérarchique et holiste.

L'idée que la vie était plus intime avant la révolution industrielle qu'à l'époque moderne est l'un des clichés du XIXe siècle qui a survécu jusqu'à nos jours. C'est comme un commentaire sur l'anonymat des relations sociales dans la société post-capitaliste (ou post-communiste) de la fin du XXe siècle, qu'il faudrait interpréter ce cliché plus que comme une représentation exacte du passé. Des travaux tels que ceux d'Eugen Weber (Peasants into Frenchmen, 1976) continuent néanmoins de renforcer le cliché selon lequel les communautés locales intimes auraient progressivement évolué en sociétés nationales anonymes.